Camouflage en photographie animalière

brocard albinos, camouflage pas top

Camouflage pas top…

Un lecteur cette semaine m’a signifié dans un courriel relatif à l’article se protéger du froid en photographie nature son étonnement de ne voir dans ma liste aucun vêtement imprimé de « motifs permettant un camouflage efficace en photographie animalière », et il m’a demandé mon avis parmi divers autres vêtements camouflés présents sur sa liste, relativement à un système trois couches, adapté à priori à ses plaines.

Je souhaitais aborder cette question dans un prochain article, mais son courriel, ainsi que ma réponse, m’ont fait réaliser que cette interrogation en soulevait aussi beaucoup d’autres.

Je ne vais pas décrire ici la liste des motifs existants car cette connaissance théorique, qui peut être utile jusqu’à un certain point, n’offre que peu d’intérêts dans mon approche de cette problématique du camouflage. De plus, si vous lisez cet article, c’est que vous en aurez probablement déjà lu d’autres auparavant, et je ne souhaite pas entrer dans autant de détails car nous n’en avons pas vraiment besoin ici.

Pour finir ce préambule, je ne suis pas en train de dire que les tenues camouflées sont inutiles, car, d’une manière ou d’une autre, il vous faudra vous dissimuler de la faune sauvage. Mais après plusieurs années à en utiliser aussi, j’en suis venu à la conclusion que cette problématique récurrente, au gré des renouvellements de tenues usées, pouvait être grandement simplifiée sans contrepartie, et globalement avec un gain de confort et d’adaptabilité important !

Nulle solution n’étant parfaite ou universelle, je vous invite néanmoins à méditer celle qui suit.

I. Un camouflage efficace, késako ? 

Pour résumer, en photographie animalière, c’est un vêtement, camouflé ou non, relativement passe partout qui vous efface du paysage aussi bien à courte distance, cela va de soi pour la plupart des gens, mais aussi à moyenne et grande distance. Ce dernier point est moins ancré dans les esprits alors qu’il est primordial car c’est à longues distances que la faune sauvage peut le plus souvent avoir l’avantage sur vous en vous voyant avant que vous ne commenciez à la soupçonner, alors qu’il est moins nécessaire d’une efficacité élevée à courte distance où ce sont vos capacités au silence et au contrôle de vos mouvements qui primeront.

Ma veste par exemple, une Bergans Morgedal, est de couleur olive clair, se confond parfaitement dans le lointain avec la plupart des biotopes, et au pire elle ne jurera dans aucun, ce qui en fait une bonne base avec une tonalité de 30% environ. Que cette tonalité de base soit verte, brune, ou grise, c’est le niveau avoisinant à respecter car c’est le niveau qui prédomine dans la nature, dans les lointains : exception faite des forêts sombres type sapinière ou pessière, où un ton 30% passera tout de même plutôt bien. Et si cela vous paraît un peu trop clair, les meilleurs motifs camouflés partent quasiment tous sur cette base tonale qui n’a donc rien d’arbitraire, exception faite des camouflages de type neige.

Les animaux ne voyant pas comme nous, avec une définition souvent plus faible, exception faite des oiseaux, et le plus souvent avec pas ou très peu de couleurs, à part une fois de plus les oiseaux, il est relativement peu utile d’avoir recours à des motifs complexes, qui ne sont faits que pour vous plaire sur les étales. De plus, ces tenues, si l’on met à part les Ghillies suit, ne dissimulent pas assez votre forme humaine qui à elle seule, camouflée ou non, constitue une alerte rouge en lettre capitale clignotante dans l’esprit de n’importe quel animal sauvage : une considération à ne pas négliger au moins sous les latitudes à pression de chasse élevée. Là où ça devient intéressant, c’est que si vous vous amusez à poser une tenue camouflée, à supposer que vous en possédiez une, dans un de vos biotopes et que vous vous éloignez un peu de celle-ci, vous risquez une mauvaise surprise dans la mesure où beaucoup de ces tenues sont trop foncées et vous transforment en masse sombre au delà d’une dizaine de mètres alors qu’elle semble parfaite à courtes distances.

La plupart, mais fort heureusement pas toutes : avant d’acheter, prenez donc du recul si vous voulez absolument une tenue camouflée !

En résumé : nous avons défini deux directions pour un camouflage efficace qui vont dans le même sens : confondre notre silhouette avec le biotope dans lequel nous évoluons.

  • Adopter des couleurs neutres vis à vis de l’environnement, notamment à longues distances
  • Effacer nos caractéristiques humaines

 II. Comment se camoufler ?

 Vous l’aurez peut-être compris, mais je pense que choisir un motif camouflé avant même de choisir un vêtement est une mauvaise approche. Selon moi, vous devriez d’abord définir les vêtements qu’il vous faut dans des tons neutres (brunâtre, grisâtre ou verdâtre), en suivant ou pas mes conseils sur la construction d’un système, puis seulement adopter un camouflage.

J’en vois faire de gros yeux… mais lorsque je dis ça, je ne vous invite pas à acheter deux tenues, mais bel et bien une seule, sur laquelle vous adopterez ensuite le camouflage que vous voudrez avec un truc tout bête qui s’appelle un filet. Comme il y a plusieurs sortes de filets, sachez que je parle ici de ceux en coton ou en polycoton, et non pas de ceux en plastique que l’on trouve un peu partout mais qui sont lourds, bruyants, et donc quasiment inutilisables en dehors d’un usage sur affût fixe ! Avec les filets dont je parle, parfaitement souples et silencieux, vous aurez tous les avantages de vos tenues existantes, choisies, ce serait encore mieux, pour fonctionner en symbiose entre elles, tout en disposant d’un camouflage efficace qui non seulement ne fait pas masse sombre à longues distances, mais qui en plus brise votre silhouette humaine en autre chose de moins définissable pour l’animal. Un peu comme une Gillie le ferait, sans la plupart des inconvénients de ces dernières.

Vous pourrez de plus adapter ce camouflage à autant de biotopes que vous le souhaiterez et cacher votre appareil, votre trépied, votre sac, vous même, ou autre chose comme un affût par exemple, pour quelques euros par biotope. Mais si vous y pensez vraiment, vous ne devriez pas avoir besoin de tant de filets que ça, j’en utilise trois et je pense pouvoir couvrir tous mes besoins dans les Vosges, des prairies aux crêtes, en passant par les zones rocheuses, et la neige. J’ai ainsi défini pour mes besoins qu’un filet à dominante marron, un autre à dominante verdâtre, et un dernier à dominante blanche/grisâtre répondait à toutes les situations auxquelles j’avais été confrontées depuis que je fais de la photographie nature. Pour ne pas garder un secret de polichinelle, j’utilise donc un filet type AT-Digital : relativement polyvalent toute l’année, y compris l’hiver ou dans les milieux « désertiques » et/ou rocheux ; un autre type Vegetato woodland : plus approprié aux milieux boisés de feuillus ou dans les prairies l’été et l’automne, lorsque le soleil a roussi les végétaux ; et un dernier camo neige : adapté à la saison hivernale sous couvert neigeux, mais aussi dans les milieux rocheux exposés au soleil…
Je vous laisse chercher où en trouver car mon but ici n’est pas de promouvoir une enseigne.

Lorsque vous êtes en billebaude, une solution simple consiste à se draper avec, en laissant quelques pans stratégiques. Vous pouvez aussi en combiner plusieurs afin d’améliorer le mimétisme. Par exemple, en milieu couvert en hiver, il est plus judicieux de mettre un filet blanchâtre en jupe, et un filet brunâtre sur le haut du corps que l’inverse car le sol est recouvert de neige, mais pas les troncs. En milieu ouvert, ce sera l’inverse, voire uniquement le blanc : adaptez-vous à la situation !!

En affût court, le plus simple est d’accrocher ces filets autour de vous, mais là aussi adaptez-vous, utilisez le biotope à votre avantage et ne luttez pas contre ! S’adosser à un arbre et suspendre un filet devant soi le laissant recouvrir l’appareil et le trépied vous rendra quasiment invisible.

Pour les affûts (très) longs, vous pouvez recouvrir une tente toute simple avec ces filets plutôt qu’acheter une tente camouflée, souvent plus adaptée à la chasse qu’à la pratique photographique… ou hors de prix quand elle été pensée pour.

Je n’utilise personnellement jamais de tente, mais des constructions faites à 100% avec des matériaux trouvés sur place, y compris pour les fixations éventuelles tressées avec des herbes pour céder à un animal qui se serait pris dedans. Le but est une discrétion maximale et un impact minimum en utilisant ce que l’environnement propose déjà, mais c’est une autre histoire qui fera sans doute un jour l’objet d’un article détaillé.

III. Conclusion et développement

 Pour conclure tout cela, je préconise donc une tenue dans des tons neutres (environ 30%), et des filets en guise de camouflage. Ce n’est pas la seule façon de faire, mais c’est je pense la plus économiquement accessible, et la plus malléable : les filets tiennent peu de place, sont légers, les attacher en dehors du sac et les avoir en permanence avec soi est d’une simplicité absolue, et ils permettent de répondre facilement à tout type de pratique photographique, de la billebaude à l’affût. Surtout, ils vous camouflent en s’adaptant aux vêtements que vous possédez déjà, que ce soit en été ou en hiver. La quasi totalité des images animalières de ce site, en particulier dans la section renard où je dois approcher les 100%, ont d’ailleurs été prises sans tenue camouflée sophistiquée mais avec un simple filet, quelques fois sans, mais surtout une infinie minutie dans la phase d’approche, où un camouflage ne servirait de toute façon pas à grand chose dans la mesure où c’est le mouvement et le bruit qui prévalent dans cette technique.

 

Lièvre, un camouflage sérieux

Quoi de neuf docteur ?

 

Lièvre courant vers moi

Même pas peur…

Finalement, on en revient à ma philosophie de l’habillement par temps froid, il est préférable de penser le camouflage comme partie intégrante de votre système, pas comme partie intégrée. Cela n’aura d’ailleurs pas un effet que sur vos finances, mais aussi dans vos relations avec les passants, les tenues camouflées n’étant pas toujours bien perçues.

Mais tous ces conseils ne sont rien si vous n’adoptez pas un comportement réfléchi anticipant les éventuels problèmes que le terrain peut apporter. Gardez donc à l’esprit, qu’au delà de l’artifice d’un camouflage, aussi efficace soit-il, et tant que des capes d’invisibilité ne sont pas en vente libre, que le meilleur des camouflages, c’est la connaissance, et donc la reconnaissance, du terrain qui vous l’apportera. Utilisez le à votre avantage, ne luttez pas contre, ce serait pure perte de temps et d’énergie. Pensez et repensez donc en permanence aux bases jusqu’à ce qu’elles deviennent une partie de vous même :

  • Prenez garde à ce qui se trouve derrière vous, votre silhouette, même déformée, sur un fond de ciel vous condamnera à la solitude.
  • Pensez aux reflets si vous êtes porteurs de lunettes, ainsi qu’à celui de la lentille de votre objectif !
  • N’oubliez pas de vérifier le sens du vent.
  • Contrôlez vos mouvements, et si vous êtes repéré, ne bougez plus… quelle que soit l’inconfort de votre position.
  • Dois-je réellement mentionner qu’il faut rester silencieux ? Si l’animal sursaute au bruit de votre déclencheur, ne faites pas de rafales, habitué le, déclenchement après déclenchement,  il finira pas ignorer ce bruit, ou par s’en aller, mais il reviendra demain.
  • Ne faites rien d’insensé : une approche en sous bois sur des feuilles mortes, une approche sur un sol de neige si ce n’est pas de la poudreuse, etc, etc…
  • Appliquez ces règles y compris quand vous quittez un lieu ! Vous n’êtes pas vraiment chez vous après tout !!

Une fois ceci assimilé, lorsque vous n’aurez plus à y penser, vous verrez le plaisir d’être en compagnie de la faune s’accroître, et peut-être comme moi aurez vous de moins en moins envie de vous enfermer dans un affût fixe, même si cela reste incontournable avec certaines espèces.