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2013Avant la pluie, histoire de chat
S’il est de notoriété presque publique que les chats domestiques n’aiment pas se mouiller (certaines races font exceptions), il est moins évident pour tout le monde d’imaginer que cette aversion pour l’eau s’étend aussi à son cousin sauvage, le chat forestier : après tout, celui-ci doit bien se nourrir pour survivre ! Non ?
La réponse se veut nuancée.
Oui, bien entendu, le chat sauvage doit se nourrir, mais non, il n’est pas forcément prêt à affronter la pleine pluie pour le faire s’il peut l’éviter ! Sa meilleure porte de sortie en l’occurrence lui est apportée par son biotope, car le chat sauvage, ou chat forestier comme son autre nom commun l’indique, est avant tout un prédateur des sous bois, qui ne consent donc à en sortir que lorsque les conditions sont optimales, le plus souvent ainsi, lorsque les herbes sont basses, qu’il n’y a pas ou peu de rosée, et de préférence, bien entendu, s’il fait beau !
Il est bien entendu d’autres variables (reproduction, quantité de proies, et certaines autres qui nous échappent), et le voir autrement est possible, mais moins probable. Mais de mes observations et diverses approches du chat, je retiens deux moments particulièrement favorables à leur observation lorsque leur zone de prospection a été établie.
Le premier se situe en plein cœur de l’hiver, lors du rut, où il se montre moins méfiant et daigne alors montrer sa royale présence dans les zones dégagées.
Et le second précède les averses mettant fin aux périodes d’ensoleillement.
En dehors de ces deux moments clés, de ma propre expérience, ils m’ont toujours semblé apparaître de manières presque aléatoires, présents quelques jours à quelques semaines lorsqu’ils chassent une zone de prospection, mais capables de disparaître des semaines, voire des mois, avant de réapparaître comme s’ils n’étaient jamais partis.
Pour moi, que je me place comme observateur ou photographe, cette part de mystère en fait un des sujets les plus intéressants à suivre parmi mes sujets habituels. Ceci ajouté aux sentiments qui me traversent quand je croise son regard m’emporte à chacune de nos rencontre aux portes de la fascination et de l’amour pour ce petit roi des forêts dont je me sens très proche, étant moi-même plutôt farouche !
Hier donc, je trouvais que les conditions étaient réunies pour aller rencontrer le chat. il avait fait beau toute la semaine, la pluie s’annonçait pour le lendemain, la rosée était modérée, et surtout, je l’avais photographié au même endroit quelques jours auparavant (article suivant, Lorsque l’instinct prend le pouvoir).
Arrivé bien avant que le soleil ne se lève, je laisse un renard s’éloigner – à peine visible dans mes jumelles – avant de traverser les seuls 20 mètres que je dois traverser à couvert pour rejoindre le petit bois et le lit de fougères dans lesquelles j’espères me cacher. Le renard parti, je progresse silencieusement en direction des fougères, mais quelque chose semble différent dans la pénombre, et je ne tarde pas à constater que les fougères ne sont plus, fauchées, de même que le regain ! Une lisière ne manque pas de cachettes, mais celle-ci était particulièrement agréable par temps chaud, je me rabats donc approximativement au même endroit, mais cette fois-ci assis et adossé à un platane, lequel me permettra de tendre mon filet devant moi. L’attente commence. Les premières lueurs du jour éclaircissent petit à petit l’horizon. Il sera bientôt là. S’il vient !
Le jour est seulement levé mais je commence à m’inquiéter.
D’une part le goupil n’est pas revenu, ce qui m’indique que le champ en bout de celui-ci a également été fauché (ce qui s’avérera vrai par la suite) : et si le chat était là bas lui aussi ? S’agissant d’un nouveau sujet, je ne peux en être certain, néanmoins, avec ces prédateurs, la meilleure stratégie est de ne pas bouger, d’autant que fauchés, ces champs pourtant vallonnés ne permettent pas une approche confortable car leurs reliefs engendrent des retours de vent. J’attends donc, lorsque je crois apercevoir un mouvement furtif sur ma gauche au sommet d’une butte. C’est la seule direction qui ne m’offre pas une vue dégagée, et je pense que mon chat, ou le renard vu plus tôt, est sur le plateau. Deux oreilles dans le champ de mes jumelles me le confirment un peu plus tard, il chasse là haut, et d’où je suis, je ne le verrai que lorsqu’il redescendra en forêt. Je dois bouger !
J’entreprends alors une lente reptation vers le sommet de cette buttée… seulement une trentaine de mètres d’effort, mais qui doivent être franchis avec la plus grande précaution tant les oreilles adverses sont aiguisées !
Mètre après mètre, mon horizon s’étend, mais rien ne m’attend au sommet : où est-il ?
Je ne bouge plus, je ne respire même plus.
Dans les bottes ! Il est là bas, je le vois à peine, tournant autour des bottes que le propriétaire du champ a rassemblé, une légère dépression le cache quasiment à ma vue, mais je ne peux pas monter plus si je souhaite rester dissimuler à la sienne au bénéfice du relief.
J’attends depuis une petite dizaine de minutes lorsque je sens mon chat perdre de sa motivation. La nuit, à la faveur de parcelles dégagées éclairées d’une lune presque pleine a dû être riche en bouchées nourricières, et la chaleur déjà élevée invite à la sieste plus qu’aux efforts.
Il va s’éclipser lentement, j’en suis convaincu, et je n’ai pas encore fini de le penser lorsque pour me donner raison je le vois suivre la dépression en direction de la forêt. Je n’ai que peu de temps pour me préparer, mais je glisse imperceptiblement sur ma droite en direction de cette coulée, juste à la tangente qui ne me laissera ensuite que ses arrières à photographier ! Pourvu qu’il la suive jusqu’au bout car il disparaît à ma vue…
Ces quelques secondes de disparition me semblent très longues, mais il ressort effectivement où je l’espérais.
Las, c’est ainsi que je le sens à ce moment là, il n’a que deux options, où ils bifurquent sur ma droite et continue sa séance jusqu’à me sentir car le vent ne me sera plus favorable, soit comme je l’espère car je ne souhaite pas être découvert il part sur sa gauche en quête de tranquillité digestive, et fort heureusement pour lui, et pour moi dans ma volonté de ne pas lui nuire, il était effectivement repus…
Alors qu’il repart, il ne fera que deux stations, avec le potentiel espoir pour moi qu’il reste finalement encore un peu. Cela n’arrivera pas !
Ces deux dernières images sont cependant intéressantes car elles montrent à quel point le chat forestier peut se montrer prudent lorsqu’il quitte la scène ; une prudence qui n’a d’égale que la paranoïa qui précède toujours son entrée ! Ces deux images sont fortement recadrées, et ont été effectuées après avoir rampé en contrebas en m’aidant du relief pour me dissimuler.
Les pluies à venir devraient le tenir éloigné quelques temps des espaces dégagés, tout comme les renards, mais je sais qu’il finiront par revenir quand je m’y attendrai le moins, c’est là une partie de leur magie !
Les lecteurs ont la parole