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2013Quel objectif en photo animalière ?
Depuis l’ouverture de ce blog, j’ai reçu quelques courriels afin de me demander le matériel que j’utilisais, en particulier au sujet de ma focale en animalier. Afin de ne pas laisser cette question en suspens plus longtemps, toutes les images animalières sur ce site ont été faites avec un 300mm f/4 sur capteur APS-C (actuellement de marque Nikon, et de marque Canon et Nikon pour les photos du chevreuil albinos). Je n’utilise pas de téléconvertisseurs, et mes images ne sont pas ou peu recadrées : disons de l’ordre de 25 à 30% dans les cas les plus extrêmes, pour redresser un horizon, plus rarement pour compenser un manque de proximité, mais dans cette limite de 30%. Mais il n’y a pas d’absolu, et si un sujet exceptionnel devait se présenter tout en restant loin, je recadrerais autant qu’il serait nécessaire de le faire et tant que la qualité du fichier le permet, tout en le précisant. Mais si je m’impose cette limite des 30% (tout à fait arbitraire j’en conviens), c’est pour ne pas tomber dans une forme de facilité que permettrait aujourd’hui – dans une certaine mesure – la technologie, parce que mes sujets seront encore là « demain », que moi aussi (soyons positifs !!), et que c’est donc soit à moi de faire mieux en améliorant/changeant ma position d’affût, soit à l’animal de s’approcher plus si m’approcher plus est impossible sans risque de dérangement, soit enfin, en trouvant un autre sujet si, vraiment, une meilleure proximité est impossible avec celui-ci dans cet environnement !
Comme je reviendrai sur le volet matériel un jour prochain, avec une ou plusieurs pages dédiées sur ce que j’utilise et sur le pourquoi de mes choix, je n’en dirai pas davantage aujourd’hui.
En revanche, afin de rebondir sur une question qui revient perpétuellement sur les fora dédiés à la photographie, je vais vous donner une « astuce » afin que vous puissiez déterminer très simplement la focale qui vous serait idéale, sans avoir à vous reposer sur l’avis d’autres personnes. Les investissements étant importants lorsqu’on parle de longues focales, je comprends la nécessité de recourir ensuite à un forum, pourquoi pas à plusieurs, afin d’être rassuré sur les performances d’une optique, mais vous allez désormais pouvoir déterminer cette focale, ou ces focales, qui correspondraient le mieux à votre pratique de la photographie, avec une marge d’erreur faible, et sans avoir à utiliser autre chose que votre propre expérience et les images déjà prises avec votre appareil et la focale que vous possédez déjà : ce qui est tout de même préférable que de demander à d’autres de choisir pour vous quand eux-mêmes ne peuvent se baser sur autre chose que leur propre expérience (dans le meilleur des cas, et corollaire : qui n’est pas la vôtre !). Gardez toutefois à l’esprit qu’il faudra tout de même faire des compromis car quelle que soit votre pratique, aucune focale ne saura être idéale tout le temps !
I. Sélection préalable
Pour commencer, vous allez sélectionner quelques images dans votre stock. Un logiciel catalogueur d’images peut ici vous être utile ici afin de trier les images d’un objectif en particulier parmi toutes celles de vos autres focales, mais ce n’est pas indispensable, l’essentiel est que vous sachiez retrouver vos petits. Ne choisissez pas que des clichés que vous n’avez pas eu besoin de recadrer, vous pouvez en sélectionner quelques uns pour voir comment une focale un peu ou beaucoup plus longue aurait influé ces prises de vue, mais sélectionnez particulièrement et surtout des images que vous avez dû recadrer pour les rendre intéressantes, et les mettre à votre goût.
La raison pour laquelle je vous demande de ne pas insister sur les images non recadrées est qu’il vous sera toujours possible de faire ce genre d’images avec une focale plus longue. Simplement seront-elles faites à plus grande distance du sujet, ce qui est moins problématique que de devoir s’approcher encore, dans la plupart des cas !
Une grosse dizaine d’images représentatives de votre production devrait suffire. Si vos sujets varient énormément en taille, vous pouvez en sélectionner plus. Et n’hésitez pas à repêcher des images que vous auriez jugées vraiment intéressantes si seulement il n’avait pas fallu les recadrer autant pour qu’elles le deviennent, mais essayer de rester raisonnable vis à vis de l’éloignement du sujet : un chevreuil photographié à 200m avec un 300mm aurait été petit également avec un 600mm ! Les clichés très distants, ce que j’appelle du paysage animalier, peuvent tout de même être intéressants, mais comme vous avez dans ces conditions toute la latitude pour choisir la distance au sujet, s’il est encore trop petit dans l’image, c’est forcément dû à une erreur de choix au moment de la prise de vue, pas à un défaut de focale. Les clichés très distants peuvent aussi vous permettre de conserver la trace d’une activité d’un sujet ou d’un groupe de sujet, mais si l’intérêt graphique est nul ou faible, n’y passez pas trop de temps, car un cliché même pas très net suffit pour les archives.
Ne sélectionnez pas plus d’un ou deux clichés dans cette catégorie des « paysages animaliers », mais quelques uns pour voir ce que ces images auraient pu être avec une focale plus longue et comment celle-ci influera favorablement, ou défavorablement, à ce type d’images. Laissez tomber les images de type « archive » qui n’apporteront rien à l’exercice, et qui resteront de l’archive même avec une longue focale.
Si vous photographiez beaucoup de sujets différents en taille, la sélection peut-être plus importante, cela vous donnera d’autant plus de travail pour la suite, mais je pense qu’il faut une base minimum d’une dizaine d’images comptant une bonne variété de distances pour réellement commencer à appréhender comment une focale influera votre production
II. Et maintenant, un peu de calculs
J’en vois faire de gros yeux, mais il n’y a pas de quoi s’effrayer car les mathématiques qui nous intéresse ici sont très simples, enfantins, et il suffit juste de savoir que l’angle de champ décroit linéairement par rapport à la focale. Les utilisateurs d’appareils APS-C utilisent d’ailleurs quotidiennement et de manière tout à fait transparente ces mathématiques afin de déterminer la focale de leurs objectifs, c’est le fameux facteur 1.5x des capteurs Dx chez Nikon, le 1.6x chez Canon, ou encore le facteur 2x cher au format 4:3 et micro-4:3 chez Olympus et Panasonic, notamment !
Ici, puisque l’angle de champ décroit linéairement avec la focale, nous allons seulement utiliser cette base mathématique afin de déterminer le recadrage qu’il faudrait effectuer sur une image réalisée avec une focale connue pour visualiser le cadrage que l’on aurait obtenu avec une focale plus longue. Et uniquement le cadrage !
Voici un petit exemple pour illustrer le propos :
Prenons un reflex de 24MP (mégapixels) et une image faite à 200mm. Non recadrée, au format 3:2, cette image aura une largeur de 6000 pixels, et une hauteur de 4000 pixels.
Un 400mm possède un angle de champ divisé par deux par rapport à un 200mm. Par conséquent, si l’on recadre notre image pour qu’elle corresponde (uniquement en terme de cadrage) à ce qu’elle aurait été avec un 400mm, il suffit de diviser par deux la largeur ainsi que la hauteur, donc l’angle de champ, et l’on obtient ainsi 3000 pixels de large pour 2000 pixels de hauteur, et une résolution finale de 6MP.
Pour un 300mm, on obtiendra ainsi un recadrage de 4000 pixels (6000/1.5) pour la largeur, et 2666,66… pixels (4000/1.5) pour la hauteur, soit environ 10.5MP…
En d’autres termes, vous obtiendrez donc le facteur voulu en divisant la focale ambitionnée par votre focale actuelle. Depuis une image faite avec un 200mm, le recadrage équivalent à 400mm est de 400/200 = 2.
Pour un recadrage équivalent à un 300mm, ce sera de 300/200 = 1.5 : on retrouve bien le fameux coefficient 1.5x du format APS-C par rapport au format 24×36 ! Le facteur déterminé, vous n’aurez plus qu’à diviser les dimensions de votre image de ce facteur pour obtenir la dimension de recadrage.
Il ne vous reste plus qu’à faire vos propres calculs avec la définition de votre appareil, et depuis votre focale de départ pour extrapoler les cadrages nécessaires pour obtenir un visuel correspondant aux focales supérieures. Soit par exemple 300mm, 400mm, 500mm et 600mm si vous partez depuis des images faites à 200mm.
- Il est important lors des recadrages que vous allez faire de conserver le ratio image d’origine de votre appareil. Que celui-ci soit au format 3:2, 4:3, etc…, peu importe, mais conservez ce ratio d’origine ! L’idée n’est pas de faire un recadrage parfait, mais uniquement de voir ce qu’une focale supérieure changerait à vos images. Adopter arbitrairement un autre ratio fausserait vos calculs précédents si vous ne les aviez pas adaptés à ce ratio
- Puisque le ratio d’origine sera conservé, il n’est pas utile de faire les calculs sur les deux côtés… le calcul sur le plus grand côté suffira à configurer le logiciel que vous utiliserez pour effectuer vos recadrages
- Il n’est pas utile d’être absolument précis ! La plupart des focales ne le sont pas tellement, et il est des 300mm qui sont plus souvent des 290mm, que plus rarement des 310mm ! Une approximation à quelques centaines de milliers de pixels près suffira pour vous faire une idée suffisamment précise et représentative !
III. Recadrez !
Chaque image, pour chacune des focales qui vous intéressent. Vous pouvez classer chaque « focale équivalente » en dossier et voir ainsi quelle focale vous conviendrait globalement le mieux, ou comparer ces images entre elles… à chacun de voir.
Mais conservez à l’esprit qu’il ne s’agit que de voir les proportions que le sujet aurait eu dans l’image avec une focale plus longue. Il n’est pas important qu’avec un recadrage important la netteté ne soit pas optimale – par exemple pour avoir un cadrage équivalent 600mm avec une image prise à 200mm – ou que l’esthétique de l’image ne vous convienne pas. L’image obtenue après recadrage, à part pour les proportions du sujet dans l’image, n’a rien à voir avec celle que vous auriez obtenue avec un 600mm, pour rester dans ce cas extrême : ni en terme de profondeur de champ, ni en terme de piqué (quelle que soit la valeur de votre 200mm), ni en terme de bokeh (flou d’arrière plan et d’avant plan), etc… ; et l’esthétique de l’image obtenue sera donc très loin du compte. En revanche, vous saurez aussi exactement que possible quelle taille aurait eu votre sujet avec une telle focale. Et c’est déjà pas mal quand on n’a même pas eu cette focale entre les mains !
IV. L’auteur se plie au jeu
Quoi de mieux qu’une image pour vous montrer la démarche par l’exemple.
J’utilise un Nikon D7000, de résolution 16MP pour une dimension image de 4928 pixels x 3264 pixels : soit effectivement environ 16MP, et ma focale de prédilection est un 300mm.
Pour aller au bout de mon raisonnement, et insister sur le fait que la qualité de l’image n’importe pas dans cet exercice, j’ai choisi une image qui n’a pas de réelle valeur, autre que celle d’archive, d’un renard sous une petite pluie qui ne se sera jamais plus approché de moi que sur l’image originale présentée ici avec un chouette centrage des familles !
Cette image excéderait ma limite des 30% pour un recadrage pour en faire quelque chose d’intéressant. Le sujet n’est pas rare, ni exceptionnelle, à quoi bon donc retailler plus quand je peux aller faire mieux sur le terrain ?
Mais quelle focale m’aurait-il fallu ce jour là pour faire mieux ?
Pour un cadrage équivalent à un 400mm, j’obtiens le coefficient : 400/300 = 4/3 = 1.33…3…
Je divise mon plus grand côté d’image par ce coefficient : 4928/(4/3) = 3696 pixels
De même pour le petit côté (ce n’est pas utile suivant le logiciel que vous utiliserez pour recadrer en cochant l’option « conserver les proportions ») : 2448 pixels
Soit encore, environ, 9MP (résultat que l’on aurait pu trouver aussi ainsi (voir plus haut) : 16/(4/3)² = 9MP
Un tel recadrage donnerait ceci (approximativement, car Lightroom que j’utilise ne permet pas de faire un recadrage absolument précis, il faut procéder par approche successive en affichant les dimensions, mais comme la précision n’a pas d’importance, c’est volontairement que je le fais avec ce logiciel. Et j’ai obtenu 3697 x 2449… ce qui est sans doute le plus précis que l’on puisse obtenir avec Lightroom !) :
Cette image ce jour là aurait suffit à me contenter, d’autant que j’aurais éventuellement pu la recadrer encore un peu, et voilà donc la différence entre un 300mm et un 400mm, une différence tout de même déjà consistante !
On continue et on voit ce que ça donne à 500mm ?
Coefficient : 500/300 = 5/3 = 1.66…6…
Largeur : 4928/(5/3) = 2957 pixels – Hauteur : 3264/(5/3) = 1958 ; soit 5.8MP
Et voilà ce que l’on obtient après recadrage de l’image aux dimensions voulues :
Voilà donc que cette distance trop lointaine avec un 300mm devient intéressante avec un 500mm… et j’aurais sans doute ramené plus d’images ce jour là si j’avais eu un 500mm, ou un 400mm avec lequel j’aurais d’ailleurs pu obtenir ce cadrage tout en restant dans ma limite des 30%.
Poussons et voyons ce qu’il en serait avec un 600mm. Je zappe la partie calculatoire, je pense que tout le monde à compris : petit indice, le coefficient est de 2 !
La différence entre 500 et 600mm commence à devenir faible, mais c’est une différence qui peut suffire à faire le choix du dernier, si tant est qu’on en digère le tarif, le poids et l’encombrement, si l’on se situe essentiellement en milieux très ouverts, avec de petits sujets par exemple !
De mon côté, pas forcément pour cet exemple, cette petite analyse a confirmé l’idée que je m’étais faite selon laquelle un 400mm serait idéal à ma pratique.
ConclusionS :
Après cet exercice, vous devriez avoir une idée relativement précise de la focale (ou « des ») qui vous conviendrait. Peut-être même aurez vous eu une révélation à la suite de ce petit exercice et que vous aurez reconsidéré ce qui vous semblait nécessaire, et dans le meilleur des cas, vous vous serez vous rendu compte que votre « petit » 300mm n’était pas si petit que ça, et qu’en fin de compte il n’était pas urgent pour vous de le changer…
Cette approche théorique a des limites (que je vais développer plus bas), mais elle a le mérite de coucher noir sur blanc la focale qui vous conviendrait le mieux en l’état actuel de vos capacités à approcher la faune, et elle peut donc vous inciter à améliorer vos techniques avant d’acheter un objectif, la plupart du temps très coûteux, pour finalement vous rendre compte que ça ne suffit pas et que vous devez encore progresser : ce qui paradoxalement sera plus dur à réaliser avec une longue focale qui ne pardonnera pas la moindre approximation qu’avec une focale plus modeste. En la matière, la focale école par excellence est le 300mm f/4 sur APS-C qui, quelle que soit la marque considérée, sera optiquement excellent, et vous permettra de développer vos facultés à comprendre puis approcher la faune sauvage afin de la photographier. C’est une focale déjà suffisamment pointue pour vous inciter à corriger vos plus gros défauts avant même et pendant la prise de vue, et suffisamment performante pour obtenir d’excellents résultats. Adopter une focale plus longue sera ensuite plus aisé – je n’ai pas dit facile – depuis cette référence là que de commencer directement avec un super téléobjectif (400/2.8 – 500/4 – 600/4) qui vous fera payer très cher la moindre de vos erreurs, jusqu’à peut-être vous démoraliser de la photographie animalière !
Quel que soit le bilan de l’exercice, vous voilà en tout cas plus au clair de ce qu’il vous faudra acquérir, que ce soit matériel, ou pratique par la connaissance des sujets et des terrains afin de vous rapprocher plus, sans déranger plus.
Les limites évoquées de cette méthode sont assez simples à appréhender. Si tant est que le problème budgétaire soit écarté – ne pas oublier à ce sujet que le marché de l’occasion peut offrir de belles opportunités, néanmoins pas abordables pour autant. Le poids et l’encombrement de ces objectifs restent néanmoins disparate, et si aucun n’est réellement léger, certains sont de vraies enclumes, et disons arbitrairement que du 300mm f/2.8 au 600 f/4 (pour ne pas parler des 800 f/5.6 !) sont très différents en terme de sensations une fois en mains. En plus donc des compromis cédés lors de la détermination de votre « focale idéale » via la méthode exposée ici, il faudra donc aussi considérer votre faculté à transporter cet objectif avec vous, sur de plus ou moins longues distances, et sur des terrains que vous seuls connaissez. Cela doit aussi entrer en ligne de compte lors du choix final !
Enfin, il va presque sans dire que des 500 ou 600mm ne seront jamais un inconvénient en milieux très découverts, mais que les 300 ou 400/2.8 seront souvent plus adaptés dans les environnements encombrés, d’une part parce qu’ils permettront à grossissement équivalent de laisser moins de végétation entre vous et le sujet (hey, ça signifie qu’il vous faudra peaufiner votre technique d’approche), et d’autre part en isolant mieux le sujet dans son environnement grâce à leur profondeur de champ réduite.
La qualité quant à elle sera suffisante quel que soit votre choix : je ne dis pas qu’il n’y a pas de hiérarchie, mais qu’elle sera plutôt secondaire et inféodée à la focale qui vous conviendra le mieux en terme de cadrage (éventuellement avec TC dans certains cas, mais préférentiellement sans), d’encombrement, de poids, et de luminosité.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas !
Phédrienne
Très interessant et instruit.! Bravo !
RvB
Merci Colette, la fréquence à laquelle revient cette question dans les forums rendra cet article je l’espère utile à quelques uns. La méthode me semble en tout cas suffisamment précise, et simple, pour la partager !