20
2013Coup de chaleur
La saison estivale qui sonne pour certains le rush de leur pratique photographique, vacances aidant, est pour moi à l’inverse plutôt synonyme de ralentissement pour la partie photographie animalière. La faune est en effet durant les périodes de fortes chaleurs en souffrance, et je m’efforce donc à ne pas rajouter un stress supplémentaire, toujours possible en dépit des précautions, durant leurs activités essentiellement nocturnes lors des phases de grosses chaleurs. Les nuits étant courtes, je me contente le plus souvent d’observations volontairement lointaines. Mais la photographie animalière est également faite d’opportunités, et lorsqu’une d’entre elles se présente réunissant des conditions propices à une prise d’images avec un minimum de risques de déranger la faune, alors je la saisis, ce qui peut parfois être cocasse… comme cette petite aventure que vous auriez pu lire en début de semaine, voire la semaine dernière, si j’avais été mieux organisé… !
Le soleil allait se lever et je cherchais des papillons dans une friche pour une séance macro à contre jour lorsqu’un brocard s’est présenté dans un champ attenant qui repoussait en regain. Ayant la possibilité de l’approcher assez facilement à bon vent en rampant le long d’un champ de blé voisin, je monte mon téléobjectif à la hâte, franchis les quelques mètres qui me séparent du champ de blé à la faveur de quelques buissons, et entreprends ma lente et longue progression sur un sol rocailleux à la végétation maigre. Quelques quinze minutes plus tard, je dois me situer à mi chemin environ selon mes estimations lorsque je décide de faire un point. Je jumelle attentivement à la surface des graminées pour finalement m’apercevoir que lui de son côté s’est également rapproché. La position n’est pas parfaite, mais je décide de rester là, et je m’installe donc en m’efforçant de positionner le trépied afin que la vue affleure les graminées. Il me faudra un peu de chance pour qu’il se déroule quelque chose dans cette fenêtre improvisée dans laquelle dansent les graminées battues par un vent soutenu, mais c’est la seule solution pour ne pas être vu.
Mise au point manuelle obligatoire dans cette végétation, et quelques clichés à travers les herbes (et pour tout dire trop d’herbes) ne me convainquent guère de la pertinence de cette attente, mais le brocard, suivant son appétit, s’est énormément rapproché, et je ne peux maintenant plus repartir sans risquer de le déranger. J’attends donc. Je perds facilement sa vue dans les herbes hautes, et ce sont souvent une paire de bois mouvants dans les graminées qui m’indiquent sa présence. Dans une position très inconfortable, je souhaite déplacer d’un rien ma jambe qui, endormie, commence à fourmiller… le drame fut proche car un peu trop de bruit a attiré son attention, et je n’ai pas été très loin d’être découvert avant qu’il ne s’intéresse de nouveau à ce qu’il allait manger.
Cela fait une trentaine de minutes que je suis installé, inconfortablement, et dix minutes à peine qu’il est assez proche pour prendre des images au travers ce que je qualifie désormais de « fichu rideau de graminées », mais je finis par perdre sa trace… littéralement. Voilà maintenant plusieurs dizaines de minutes que je ne le vois plus et je commence à me demander s’il ne s’est pas finalement carapater après cette alerte, mais comme la surface de ce champ est assez complexe, je pense qu’il longe maintenant une petite dépression sur ma droite, là où l’herbe est la plus haute. J’attends donc une bonne heure avant de réellement m’inquiéter. Je scrute les herbes avec mes jumelles quand un mouvement de celles-ci à ma droite me semble suspect. Et il faut une bonne minute supplémentaire avant qu’une bourrasque un peu plus forte ne dévoile mon sujet, tranquillement installé dans un petit talus, ne laissant voir que ses bois dans les graminées ! Il est vraiment tout près, et je ne peux rien faire qu’attendre que la chaleur ne le déloge. Il est 9h et l’attente commence en plein cagnard, et 10h lorsqu’au comble de l’ennui je décide d’immortaliser ses bois dans le regain !
Je commençais vraiment à me dire que ce brocard ne partirait jamais de sa cachette et je me maudissais d’avoir laissé mon sac et la boisson qu’il contenait quelque part dans les friches où les papillons devaient maintenant virevolter par centaines. J’avais très soif, et je supportais de moins en moins un soleil qui ne cessait de faire monter la température.
« Mais quand diable ce brocard se déciderait-t-il à bouger ses fesses de là !? »
Avec cette chaleur, cela aurait dû être le cas depuis un moment, mais ses bois qui disparaissaient de temps à autres ne laissaient aucun doute sur la situation… il faisait une petite sieste, ayant sans doute trouvé assez de fraîcheur là où il se trouvait ! Je brûlais littéralement de mon côté, ne trouvant que trop peu d’écran dans les graminées.
Allais-je mourir de déshydratation ? (question désuette à la lumière de cet article, mais légitime à ce moment là ! ;o) )
Non, (donc), et mon salut allait finalement venir d’une voiture qui passera sur le plateau et qui me laissera apercevoir un comportement que je ne soupçonnais pas.
Alors que je pensais que le brocard allait s’enfuir dès que le véhicule passerait à environ une vingtaine de mètres de lui, il n’en fit rien, et attendit au contraire que la voiture quitte le plateau pour quitter sa position… ce qui ma foi est plutôt malin ! Il devait se sentir en sécurité ainsi couché dans les herbes, et nul doute qu’il aurait fui comme je l’avais imaginé s’il avait été en train de pâturer. Belle adaptabilité à une situation sans doute commune pour lui, mais plutôt rare à observer : en tout cas c’était pour moi une première.
Première aussi pour la petite déshydratation et le coup de chaleur qui ont suivis après avoir terminé ma matinée du côté des papillons dans une lumière pourtant bien trop dure et une chaleur de four, avant que je ne décide de rentrer à l’ombre !
Les lecteurs ont la parole