Sous des airs de Taïga

Petite Taïga vosgienne

Dernières brumes

Petite mise à jour un peu spéciale aujourd’hui puisqu’elle ne traite pas d’un sujet particulier, mais du partage d’un environnement que j’aime beaucoup et qui constituera ces prochaines semaines mon air de jeu afin d’essayer de couvrir le brame du cerf.
Parti « léger » avec seulement un compact,… et mon D7000 monté d’un 500mm, le but n’était pas tant, encore, à la rencontre qu’au repérage et prise de température afin de voir où en étaient les cerfs. Certaines images souffrent d’ailleurs de ce choix technique du compact, qui, bien que relativement performant dans sa gamme, a eu beaucoup de peine à avaler la dynamique de certaines scènes.

Il est environ 6h30 lorsque j’arrive sur les lieux. Parti une demi heure auparavant en voiture, je prends soin d’arriver sur ma zone de stationnement éclairé seulement par les veilleuses de ma voiture, et en roue libre au bénéfice d’une légère déclivité. J’aurai encore une petite dizaine de minutes de marche avant d’arriver sous un épicéa un peu particulier. Trois ans que je ne suis pas venu ici, mais où file donc le temps ? Je suis impatient…
Au sortir de la voiture, à 800m d’altitude, la douceur ambiante n’augure rien de bon en ce qui concerne l’activité des cerfs. Ce sont en revanche des conditions assez idéales en vue de repérages puisque l’activité devrait être assez faible, d’autant que nous sommes en montagne et que même en plaine les cerfs commencent seulement à réellement bouger. Je me charge hâtivement de mon sac à dos, et progresse dans une obscurité quasi totale, aussi silencieusement que possible sur un chemin forestier caillouteux, avant de bifurquer vers ma gauche sur la place tant convoité. Je n’y vois rien, mais… rien n’a changé, et c’est toujours sur un petit barrage de pierres que la traversée du ruisseau qui serpente dans la chaume se fait. Dans le noir, et un peu chargé comme je le suis, mieux vaut avoir le pas assuré, mais les repères n’ont pas changé, et c’est donc bien sur l’autre berge que j’atterris… plus que 50m à pas de loup, et je pourrai me glisser sous les quelques épicéas convoités. Quelques raires lointains m’indiquent la présence des rois, mais leurs espacements m’indiquent que, si tout couve, les amours ne brûlent pas encore sur cette chaume. Je ne peux pourtant m’empêcher de sourire, car leur présence est tout ce qui m’importe.

Derniers pas à découvert, heureux de n’avoir pas croisé de protagonistes au risque de les faire déguerpir, je me glisse enfin sous les portes d’une cathédrale végétale constituée de quelques épicéas. Aucun passant qui n’aurait repéré le discret sentier qui monte dans les brimbelliers et qui n’aurait pénétré cette ouverture à peine visible dans les aiguilles ne peut soupçonner ce qui se cache à l’intérieur. Derrière cette « porte » se trouve en effet un soubassement aménagé qui permet même aux grands gabarits de se déployer sans risque de se heurter à des branches. Autre particularité de ces épicéas, il s’y trouve un petit four en pierre. Qui l’a installé et quan ? Je l’ignore, mais l’incongruité me plaît et il était déjà là lorsque j’ai découvert cet endroit après avoir à peu près examiné tous les épicéas ou sapins de l’endroit pour définir ceux qui pourraient m’être utiles !
Diverses ouvertures dans le mur végétal tout autour permettent de surveiller la chaume, ainsi que le plateau au dessus, sans être vu soi-même. Pas forcément idéal, mais confortable lorsqu’il ne s’agit que d’observer, d’autant que deux coulées de part et d’autre permettent de se retrouver en excellente position si toutefois l’activité devait se dérouler dans les environs, et qu’il est très facile depuis ce lieu de bouger discrètement, après avoir repéré à l’oreille les places de brame et à la faveur de la végétation, vers d’autres spots s’il le fallait ! Enfin, le petit plateau au dessus, constitue une place potentiellement forte du brame, où j’ai d’ailleurs vécu dans l’obscurité totale mon premier combat entre cerfs il y a plusieurs années maintenant… un souvenir qui m’avait donné l’impression alors que ma toiture végétale semblerait bien maigre si jamais ces deux là venaient à croiser le bois en se rapprochant de moi ! Au delà de la réelle trouille que j’avais alors ressentie, leur puissance dégagée par les vibrations qui se transmettaient au sol m’avait définitivement offert ce que le brame a de meilleur à offrir à ceux qui s’y intéressent, un concentré de sensations pures.

Rien de tel cette fois-ci. L’horizon commençait à peine à s’éclaircir que déjà les raires devenaient plus rares. Le feu d’artifice ne serait pas pour aujourd’hui. Mais qu’importe, la prise de température avait eu lieu, et les pluies du WE, en refroidissant l’atmosphère, apporteraient je l’espère ce qu’il faut pour que la vallée s’embrase !

Sorti de ma cachette deux bonnes heures après que le dernier cerf ait poussé son raire, je pouvais commencer mon tour d’investigation. Rien à priori n’avait changé, mais j’avais besoin de rafraîchir et de reconnecter mes souvenirs, de me remémorer ces couloirs qui me permettraient éventuellement de passer d’une zone à une autre en limitant au maximum les passages à découvert, de me réapproprier enfin toutes ces petites caches sans lesquelles  les cerfs ou les biches pourraient vous repérer à vue, ou à l’odeur.

Un petit panoramique à 120° permet d’embrasser une vue globale de la chaume. Réalisé en début d’après-midi, il n’a guère de qualité esthétique mais permet néanmoins de mieux comprendre l’endroit.

Un air de Scandinavie dans les Vosges

Vue panoramique de la chaume

Si j’aime particulièrement cet endroit, c’est qu’il s’y dégage une aura particulière. Du fait de ses brumes d’une part, comme l’illustre la photo qui ouvrait ce billet, mais aussi et surtout parce que la vue que cette petite chaume offre à ses visiteurs n’a pas grand chose de commun avec ce qu’il est possible de voir ailleurs dans les Vosges. C’est un peu comme si la Scandinavie s’était invitée dans le massif vosgien, et l’endroit n’a pourtant rien de totalement sauvage puisqu’il s’agissait à la fin du XIXème siècle, et au début du XXème, d’une zone cultivée, où l’on exploitait également la tourbe qui constitue la partie Sud-Ouest de la basse chaume. Il reste quelques ruines des fermes qui s’y trouvaient, et l’on devine sur la gauche du panoramique, le long du sentier, les murets qui devaient probablement favoriser l’ancrage des terres cultivables dans le sol et éviter ainsi l’érosion.

Néanmoins, on peut dire que depuis, la nature y a repris quelques droits. La végétation s’empare peu à peu des ruines, et le tout donne une multitude de caches et autres couloirs où la vie sauvage s’écoule, presque paisiblement si ce n’était la pression cynégétique.
Dans ce désormais labyrinthe végétal, j’ai défini quelques endroits stratégiques intéressants, où les traces de grands cervidés ne manquent pas, tout comme les possibilités de caches ! Voici quelques spots où il me semble intéressant d’affûter… à moins que les cerfs eux-mêmes ne décident de jouter ailleurs. Ces endroits ont été choisi autant pour les qualités de lumière (pleine ou à contre jour), que pour la possibilité qu’ils m’offrent de ne pas me retrouver piéger dans l’incapacité de me déplacer si toutefois les cerfs s’en éloignaient.

Les versants au Nord sont plus encombrés, même si certains ne manquent pas d’intérêt… et il est fort à parier que ce sont ceux qui seront les plus actifs, période de chasse oblige. Ce sont d’ailleurs les plus accessibles et ceux qui disposent du plus de caches, quand ceux situés autour de la chaume offrent les vues les plus esthétiques et dégagées…
Il ne s’agit de toute façon pas de choisir, car ce seront les cerfs qui le feront !

Quant aux cerfs, ils sont bien là, très discret pour le moment, surtout en journée. Deux photos énormément recadrées néanmoins durant mes repérages en sous bois sur le versant Nord… en attendant que cela se décante ! C’est très encombré, et il faut bien reconnaître que, sans le 500mm, je n’aurais même pas tenté : d’ailleurs je n’aurais peut-être même pas vu le cerf dans le viseur 😀 ! L’émotion, elle, était bien là en revanche.