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2013Coussinets sur ouate blanche
Si je devais choisir un animal totem pour définir la photographie animalière, je choisirais sans doute le chat sauvage car, tout comme la discipline, il est imprévisible.
Il suffit que vous le repériez sur un secteur de chasse pour qu’il disparaisse le jour où, précisément, vous vous êtes mis en tête de le photographier. Il me fait dire à son sujet que c’est lui qui, dans une bonne grâce qu’il a parfois généreuse, décide de venir se faire photographier. Le chat sauvage est un prince, facétieux et taciturne, qui n’en fait qu’à sa tête pendant qu’il se paie la vôtre… qualités qu’il cultive avec le renard, quoique ce dernier soit au moins ponctuel, la plupart du temps !! Et si je démarre ce récit par une petite fable, c’est que c’est souvent le sentiment qui prédomine lors de l’approche de cet animal.
Je ne l’avais pas vu depuis longtemps quoique je croisais parfois ses traces, les signes n’étaient donc pas à une présence régulière quand j’ai pu voir en début de semaine dernière, dans une neige fraîchement remise à jour, une concentration de traces de plus en plus élevées à mesure que les jours passaient. J’avais donc décidé de favoriser une rencontre cette semaine, sans trop y croire, quand il est passé dans mon viseur Mardi alors que je photographiais un lièvre ! Mais une haie de buissons se trouvait entre nous, et c’était donc une fois encore un sentiment de frustration qui l’emportait car rien ne prouvait qu’il reviendrait !
Je remettais néanmoins le couvert Mercredi. Le vent qui avait tourné de Sud-Ouest à Nord-Est m’imposait une approche différente de cette prairie à l’abandon, et ajoutait ainsi deux inconnues supplémentaire à mon équation.
Posté à même la neige sur un bout de tapis de sol et recouvert d’un filet, planté dans les buissons ennemis de la veille, j’attendais depuis avant l’aurore quand il fit son apparition à la lisière opposée. Il était 9h du matin et une centaine de mètres nous séparait, lui aussi avait opté pour une approche différente. Il était impensable de l’approcher, lui le malin, sur une neige bruyante, tantôt portante tantôt s’écroulant littéralement sous mes pas. Une fois encore je m’en remettrais donc à lui pour décider de mon sort. Les légendes ont la peau dure, et la mienne, qui commençait à ressentir la morsure de la bise, se réchauffait enfin quand ce Prince aux yeux d’émeraudes me faisait finalement les honneurs de sa présence.
Il est 10h du matin quand monsieur commence à se rapprocher en miaulant. Les noces de glace ne seraient donc pas encore finies mais je n’aurai toutefois pas le loisir d’assister à un mariage en blanc, pas pour cette fois. Je ne devrais même pas y penser car le chat sauvage, bien que présent en Lorraine, avait disparu de ma commune, et ce n’est que depuis récemment que j’en observe à nouveau trois spécimens différents. Un nœud de résistance semble s’être installé là, et comme cette forêt est reliée à tout le massif sans interruption, c’est là peut-être une note d’espoir, pour moi, d’en trouver d’autres, et pour eux, de trouver ici un lieu relativement préservé.
Mon matou quant à lui, après avoir marqué son territoire se rapproche petit à petit, mais il semble vouloir ignorer les derniers mètres qui nous séparent quand soudain il s’éloigne au trot.
Je commence à regretter mon positionnement quand il revient toujours au trot vers moi. Les chats harets étant nombreux dans les environs, je me dis qu’il aura peut-être cru entendre un adversaire, un accouplement potentiel, ou un bruit quelconque qui l’aura inquiété. Le sourire revient, et avec lui, une certaine proximité qui commence à s’installer entre nous.
Je l’habitue doucement au bruit de déclenchement de mon appareil en espaçant les prises de vue, et il finit par ne plus s’en soucier pour reprendre son activité de chasse. Dans ces cas là, c’est souvent quitte ou double, certains animaux ne s’y habituent jamais, d’autres ne s’en soucient guère, et je suis ravi de comprendre que celui-ci se situe définitivement dans le deuxième lot. Au point qu’il décidera de venir voir par lui même ce qu’était ce bruit, pour finalement ne plus s’en soucier du tout, tout en m’accordant une proximité rare, surtout en hiver où les sons portent si bien ! Moi sous mon filet, j’avais le sourire, pendant que lui tentait de percer cette étrange masse qui lui faisait face tout en émettant parfois des bruits étranges.
Vous pouvez voir d’autres images sur la galerie dédiée, par ici : Les yeux d’émeraude
En espérant que cela vous plaise, et que d’autres images s’ajoutent au fil de la saison. Le chat sauvage est de retour, et c’est une bonne nouvelle, pour moi comme surtout pour lui !
Chiffre Sept
De belles images pour ce chat forestier et quel oeil !!
RvB
Merci de ton passage. Ce fut un moment très fort, autant en émotions qu’en symboliques… son calme a également participé à l’incroyable moment passé en sa compagnie.
Rick
Talk about being in the right place at the right time – very nice pictures, and stunning wild cat !
What lens did you use ?
Rick
RvB
Thanks for coming, and many thanks for your comment, Rick !
It was the Nikon 300mm f:4 AFS lens, on an APS-C DSLR (D7000), in quiet mode to not disturb the cat.
Phedrienne
Je crois que tu vas faire des envieux là… joli récit et belles images !
RvB
L’envie est un formidable moteur, j’espère donc que ce partage sera fédérateur en ce sens… Une nouvelle galerie vient de naître avec d’autres images de la série, c’était effectivement un chouette moment… et l’un de ceux pour lesquels on est toujours ravi de s’être extirpé du lit pour partir de nuit ! Merci de ta visite !